Que cachent vraiment les chiffres…
Depuis quelques semaines, vos journaux tirent à qui mieux mieux la sonnette d’alarme suite à la publication, par des spécialistes, des chiffres 2019 des faillites à travers le pays, et notamment aussi chez nous. Il est vrai qu’après plusieurs années calmes sur ce front, on enregistre depuis deux ans une résurgence des faillites. Celles-ci, couplées à un ralentissement de la croissance, créent un climat moins positif pour l’économie en général et ébranlent la confiance des entrepreneurs, des investisseurs et, peut-être davantage encore, des créateurs ! Pour Graydon, l’un des experts reconnus à l’échelle belge et internationale, les chiffres, certes en augmentation, cachent (mal) des réalités plus législatives que conjoncturelles. Explications…
Nous rappellerons tout d’abord que la nouvelle loi sur les faillites (publiée mi- 2018, ndlr) a intégré une série de nouveaux opérateurs susceptibles de rencontrer cette situation délicate voire dramatique, on pense aux ASBL, aux professions libérales, aux associations de fait… Par ailleurs, il n’est pas anodin non plus de préciser qu’une loi de 2017 demande aussi aux tribunaux de faire la chasse aux sociétés fantômes et de procéder à leur liquidation, autant de ‘nouveautés’ qui influent inévitablement sur les chiffres globaux. Des chiffres qui interpellent car, au-delà de l’aspect économique qui nous occupe forcément quand nous parlons faillite, le volet social qui en découle n’est évidemment pas négligeable. On a ainsi recensé la perte de 21.480 emplois en 2019, soit environ 14 % de postes supplémentaires perdus par rapport à 2018. La question centrale demeure : « Comment éviter une faillite ? »
Qu’est-ce qu’une faillite ?
Dans l’absolu, 3 conditions sont nécessaires pour qu’une faillite soit prononcée par le tribunal de l’entreprise. Il faut être une entreprise (indépendant, personne morale, asbl, profession libérale, organisation sans personnalité juridique), il faut être en cessation de paiement persistante et il faut être en ébranlement de crédit, une situation qui se caractérise par le fait que les banques, mais aussi les fournisseurs, n’ont plus confiance et ne vous octroient plus de crédits.
Comment (tenter d’) éviter la faillite…
À la lecture des conditions qui mènent à cette situation, on pourrait simplement dire qu’un manque de liquidités est le seul élément constitutif de la faillite. Or, vous conviendrez que dans la vie d’un projet, il n’est pas rare de devoir faire face à des problèmes de trésorerie, qu’il s’agisse de la résultante d’un chiffre d’affaires en baisse, de la suite d’un litige perdu, en conséquence d’un contrôle fiscal qui se passe mal… Les raisons, prévisibles ou non, sont donc nombreuses, l’essentiel étant de pouvoir réagir promptement et le plus judicieusement possible. Et surtout de ne pas favoriser, sans s’en rendre compte, le terreau de ce mal qui traîne souvent au détour d’une trajectoire entrepreneuriale.
Réagir vite, pour éviter l’engrenage !
La situation classique, c’est celle de l’entreprise qui, pendant quinze ou vingt ans, génère un chiffre d’affaires, un bénéfice et des chiffres comptables irréprochables… même s’ils baissent depuis un certain temps et que les besoins en financement sont de plus en plus fréquents. Comme quelqu’un qui insidieusement prend du poids sans s’en rendre compte, le chef d’entreprise finance alors son besoin de liquidités par un crédit de caisse. Sauf que les besoins en question se multiplient, grandissent, le patron finissant par solliciter un prêt auprès de sa banque. Un prêt qui, malheureusement, arrive souvent un brin trop tard, démontrant que l’analyse du manager n’a pas été suffisante. Un manque de liquidités, sachez-le, n’est jamais une réalité anodine. C’est au contraire un avertissement fort. Pas nécessairement dramatique, ni irréversible, mais c’est un témoin qui clignote sur un tableau de bord !
Quand l’eau est dans les cales, c’est que le bateau coule (déjà) !
Pensez toujours aussi, à l’instar de ce qu’annoncent les banquiers au sujet de vos placements, que les performances passées ne préjugent jamais des résultats futurs ! En d’autres mots, ce n’est pas parce que l’entreprise a toujours bien marché… qu’il en ira toujours ainsi. Dans le même ordre d’idée, un chiffre d’affaires qui stagne depuis des années remonte rarement de manière inopinée sans qu’il y ait eu une intervention quelconque, par exemple au niveau de la stratégie. Rappelez-vous que la réalité du marché est la seule vraie donnée et qu’aucune entreprise ne fonctionne en allant à son encontre. Et lorsque les dettes fournisseurs, TVA, ONSS et autres majorations pour retard s’accumulent au point que les liquidités servent uniquement à payer les surplus pour éviter les saisies… il est déjà (trop) tard. La chose est entendue : si le crédit est dénoncé par la banque, la seule solution qui reste est la faillite de la société. Hélas pour le patron, la dette bancaire reste souvent due à titre personnel, car rares sont les prêts sans garantie personnelle.
En collaboration avec
Jean-Paul Vandenheede et Sébastien Wagelmans,
Service Rebond – Tél.: 061 29 30 58 – 62