La Déclaration de Namur risque de nuire à l’économie wallonne

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Nous venons de connaître, avec le dossier Ceta, une situation interpellante pour l’image économique de notre Wallonie, avec des interpellations nombreuses d’opérateurs étrangers, tant privés que publics, à la recherche de clés d’explication.

Depuis lors, nous avons pu prendre connaissance de la Déclaration de Namur, lancée par notre ministre-président Paul Magnette et une quarantaine d’autres universitaires européens et nord-américains.

À ce stade, nous ne pouvons pas taire notre préoccupation quant à ce texte.

Il convient tout d’abord de rappeler la dépendance de l’économie wallonne par rapport aux exportations – vu l’exiguïté du marché national – ainsi que la faiblesse structurelle des exportations wallonnes – trop concentrées sur l’Europe et de longue date insuffisamment orientées vers les marchés à la grande exportation.

Ce combat pour l’exportation est dur certes, mais il en vaut la peine puisqu’il induit le développement de l’activité de nos entreprises et de leur emploi ainsi que celui de la Wallonie. N’oublions pas que les exportations représentent la moitié de notre PIB et deux tiers du chiffre d’affaires de nos entreprises. Pour se maintenir et encore plus pour se renforcer, nos exportations ont besoin d’un meilleur accès aux marchés hors UE, grâce notamment à la suppression d’obstacles les freinant.

 

Une balle dans le pied

La Déclaration émet sans nuances le souhait que « les traités commerciaux internationaux contribuent au développement soutenable, à la réduction de la pauvreté et des inégalités et à la lutte contre le réchauffement climatique ».

Certes, les entreprises partagent de telles valeurs, mais considèrent qu’elles doivent être principalement concrétisées par d’autres actes internationaux et des programmes de partenariat au développement, sans affaiblir le commerce. Cela pourrait en effet revenir à se tirer une balle dans le pied et à affaiblir son économie et son emploi si l’entreprise devait justifier, pour chaque exportation, que sont respectés à la lettre les objectifs cités dans cette Déclaration de Namur.

Une autre lecture de la déclaration visée consisterait à dire qu’aucun traité commercial international ne pourrait être conclu avec des États ou organisations internationales ne reconnaissant pas ces valeurs et ne les mettant pas en oeuvre. En d’autres termes, des traités originellement favorables aux entreprises et à leurs exportations serviraient d’occasion pour que les valeurs en question soient partagées.

Cette lecture est confirmée par une autre disposition de la déclaration, selon laquelle la ratification des recommandations BEPS (NDLR: Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfice) et des Accords de Paris sur le climat constituerait une condition sine qua non pour la conclusion de traités commerciaux.

L’accès de nos entreprises à certains marchés et leurs exportations seraient ainsi fonction du degré d’acceptation de ces valeurs par les États concernés hors UE. Et l’intensité d’accès à d’importants marchés, comme ceux des BRICS, est inversement proportionnelle à la hauteur du niveau d’exigence européen par rapport à ces valeurs.

 

Concurrence accrue

Difficile avec cela de s’afficher comme les champions de la libéralisation du commerce international ou du soutien aux entreprises. Sans oublier que la concurrence de proximité risque de s’accentuer en défaveur de la Belgique avec le Brexit.

La Déclaration de Namur recommande également d’inclure dans les traités commerciaux internationaux « des exigences chiffrées en matière fiscale et climatique, comme par exemple des taux minimaux d’imposition des profits des sociétés et des cibles vérifiables de réduction des gaz à effet de serre ». Outre qu’un tel libellé renforce les inquiétudes qui viennent d’être mentionnées, il peut sonner de manière étrange aux oreilles de nos entreprises, connaissant le taux élevé de l’impôt dès sociétés dans notre pays.

 

Message de vérité

Bref, nous nous trouvons face à un texte intéressant, signé par des autorités scientifiques et morales, axé sur des valeurs respectables, mais ne prenant pas en compte le rôle économique vital des exportations, particulièrement pour une région comme la nôtre. Or, les exportations, ce n’est pas seulement l’affaire des entreprises, c’est aussi, chez nous, l’affaire des autorités publiques et de tous les Wallons, pour assurer leur prospérité, leur emploi et une croissance inclusive.

Nous devons à nos gouvernants un message de vérité en leur réclamant une meilleure prise en considération des entreprises ainsi qu’un soutien à leur apport au développement de la Wallonie par leurs exportations.

Cela signifie notamment un soutien à nos entreprises par rapport aux pratiques déloyales de dumping. Plus globalement, cela passe par de véritables accords commerciaux non fourre-tout, ne dépassant pas la compétence exclusive de l’UE.

Chacun reconnaîtra certes, avec les auteurs de la Déclaration de Namur, que la Commission européenne doit faire preuve plus et plus tôt de transparence et d’ouverture dans la préparation et la négociation de tels accords purement commerciaux.

Mais ces accords doivent vraiment rester purement commerciaux et les entreprises et leurs représentants doivent être considérés comme de véritables acteurs dans la construction d’une démocratie délibérative.

(Source : L’Echo, 23 décembre 2016)