« Au niveau du Brexit, de la prédictibilité pour nos entreprises, svp!»
Philippe Suinen, où en sommes – nous?
– Presque nulle part malheureusement. Je m’en réfère à « Libération » qui écrivait le 20 juillet dernier: «Le chaos des dernières semaines a pourtant prouvé, une fois de plus, que ce que dit Theresa May aujourd’hui n’aura peut-être plus de valeur demain ». Et le négociateur européen, Michel Barbier, de souligner que « le débat semble encore en cours au Royaume-Uni ».
C’est grave ?
– Potentiellement, oui pour nos entreprises. Le problème est que l’échéance du 29 mars 2019 approche à grands pas et que vu les délais de ratification si un accord intervient, celui-ci devrait être conclu en octobre. Faute d’un tel accord, on se trouve devant la pire hypothèse, la Grande-Bretagne perdant tous les liens qui la rattachaient à l’Union Européenne par sa qualité de membre. Pour nos entreprises wallonnes, la Grande-Bretagne ne ferait plus partie du marché unique européen alors qu’elle est actuellement la 4ème destination de leurs exportations… Cette situation ne pourrait être interprétée que comme un manque de respect vis-à-vis des entreprises, qu’elles soient britanniques ou de l’Union Européenne.
Les Chambres de Commerce ont-elles réagi ?
– Oui. Avec nos amis du VOKA et de BECI ainsi qu’avec les Chambres de Commerce françaises, britanniques, danoises et irlandaises, nous représentons pas moins de 70 % du commerce UE – GB dans les deux directions et avons adopté une position en 3 points. Tout d’abord l’absence d’un accord (no deal) serait préjudiciable aux entreprises et doit absolument être évitée. On en reviendrait ainsi en effet à la préhistoire en matière de relations commerciales, laissant libre cours aux mesures unilatérales.
Les entreprises et l’emploi méritent mieux quand même ?
– C’est précisément ce qui correspond au 2ème point de notre position. La clarté sur les futures relations UE – GB est nécessaire dès que possible. Une prédictibilité légale à long terme est indispensable pour que nos entreprises puissent planifier le futur en confiance. Tout comme elles ont besoin de l’intégrité du marché unique européen. Cela explique que l’hypothèse d’un accord avant le 29 mars 2019 est la moins mauvaise, puisque dans ce cas, une période de transition s’ouvre automatiquement jusqu’à fin 2021, maintenant pendant ce temps le Royaume-Uni dans l’UE.
Et votre 3ème point?
– Il réclame un Brexit respectueux des entreprises (business friendly). Pour cela, les autorités publiques doivent maintenir et faire fonctionner en temps réel des canaux d’information entre elles et vers les milieux d’affaires. Car il est indispensable d’indiquer aux entreprises quelles mesures prendre et de veiller à leur accompagnement. Et là, les CCI, qui comptent l’aide aux formalités douanières dans leur champ d’action, s’investissent dans la diffusion de l’information et l’accompagnement des entreprises.
Quid des accords commerciaux vers le reste du monde ?
– C’est aussi une question cruciale car l’on sait que, sauf maintien d’une union douanière entre l’UE et elle, la Grande – Bretagne retrouverait une capacité à négocier de nouveaux accords commerciaux directement. Les rencontres entre Mme May et le Président Trump ont été révélatrices à ce sujet. C’est pourquoi, pour éviter d’être systématiquement dribblée par la Grande – Bretagne, l’UE a grand intérêt à négocier sans tarder le plus d’accords commerciaux avec le reste du monde, améliorant ainsi la position de nos entreprises sur ces marchés.
21 juillet 2018 à 16:46