Nos entrepreneurs ne demandent pas de « cadeaux » !
Peut-on parler de « cadeaux » lorsqu’il s’agit de faire disparaître les inégalités de contexte national en mettant nos entreprises au même niveau que la moyenne de leurs concurrents ? »
Difficile de ne pas vous faire partager mon irritation quand j’entends parler de « cadeaux aux entreprises ».
Les entrepreneurs et les entreprises ne demandent pas de « cadeaux ». Ils souhaitent tout simplement se battre à armes égales avec leurs concurrents ouest-européens sur les différents marchés à l’exportation. Et ce n’est actuellement pas le cas, même si les derniers chiffres complets remontent à 2010: ceux-ci indiquent en effet un handicap de 16,5 % au niveau des coûts salariaux par rapport à la moyenne pondérée des trois pays voisins (depuis avant 1996).
Le principe d’égalité valant pour les personnes physiques comme pour les personnes morales, peut-on parler de « cadeaux » lorsqu’il s’agit de faire disparaître les inégalités de contexte national en mettant nos entreprises au même niveau que la moyenne de leurs concurrents ? Poser la question, c’est y répondre. Nos entreprises, ce sont les personnes qui y travaillent et réaliser cet objectif revient à mettre, au niveau de la compétitivité des coûts salariaux et de sa liaison avec l’emploi, nos travailleurs au même niveau que ceux des entreprises des pays voisins et ce, notamment vis-à-vis des perspectives d’exportations. On sait que, depuis 10 ans, la part de marché de la Wallonie dans les exportations mondiales est passée de 0,54 à 0,48 %, ce qui correspond à une perte de parts de marché. Par contre, il semble que la Wallonie n’ait pas à rougir de la part prise par ses entreprises dans les exportations de l’Union Européenne à 15 vers le reste du monde.
La baisse des cotisations sociales sur le travail, décidée par le Gouvernement fédéral, constitue un pas dans la bonne direction, de même que les décisions prises par le Gouvernement Wallon. Il serait néanmoins intellectuellement très malhonnête d’affirmer que cela réduira en grande partie le handicap évoqué plus haut.
Deux points ne doivent pas être perdus de vue dans l’aventure :
– la compétitivité est un concept global dans lequel on retrouve également d’autres ingrédients, parfois difficilement chiffrables. Il n’empêche que la productivité constitue un facteur généralement positif, à l’avantage des entreprises wallonnes, incontestablement améliorable par une formation plus adaptée, principalement la formation en alternance. Il y a aussi, entre autres, la créativité, particulièrement stimulée par une Wallonie qui n’entend pas se reposer sur ses lauriers de sa nomination en 2013 comme « District Européen de Créativité ». Le génie à l’exportation est une forme de créativité;
– ce qui vaut pour les exportations vaut, plus en amont, pour les investissements étrangers et même pour la situation de nos entreprises en concurrence avec des entreprises étrangères sur des marchés publics belges. Dans tous les cas, la compétitivité, notamment au niveau des coûts, constituera un critère de victoire et donc d’élimination.
Il revient également aux entreprises de s’inscrire dans ce mouvement d’amélioration de la compétitivité, qui vise clairement leur expansion plutôt qu’un statu quo. Elles recevront ainsi leur dû, et ce… sans « cadeaux ».
Philippe Suinen, Président de la Chambre wallonne de Commerce et d’Industrie